® InfoJur.ccj.ufsc.br


La composition du temps dans les systèmes experts juridiques

Ejan Mackaay, Daniel Poulin, Jacques Frémont, Constant Deniger

Centre de recherche en droit public

Faculté de droit
Université de Montréal
a. 6128, succ. A
Montréal, Canada, H3C 3J7
Tél.: (514) 343 72 10, FAX: (514) 343 21 99
EMail: poulin@IRO.UMontreal.CA

La composition du temps dans les systèmes experts juridiques

1. La problématique du temps dans le droit

Le temps est un sujet singulièrement ignoré des juristes. Les livres d'introduction au droit y consacrent tout au plus quelques mots anodins ou n'en traitent pas du tout. M. Bergel, dans son ouvrage de théorie générale du droit, fait heureuse exception en consacrant un chapitre entier au thème du Droit et le temps[1].

Le sujet n'a pas non plus, jusqu'aux années cinquante, retenu beaucoup l'attention des logiciens. M. Gardies, dans son livre sur la logique du temps, fait remarquer que <<la première moitié du XXe siècle allait encore s'écouler sans que les logiciens entreprissent sérieusement de formaliser la rationalité temporelle>>[2]. Ce sont notamment les travaux du logicien Prior qui ont fait renaître l'intérêt pour la formalisation du temps[3].

Le sujet est pourtant d'intérêt. M. Atias, dans son livre sur l'épistémologie juridique, le qualifie même de <<paradigmatique>>, mais dans une partie du texte intitulé <<pour aller plus loin>>, dans lequel on trouve des pistes de recherche et de réflexion sur des sujets sortant des développements du texte principal[4]. Le sujet devrait, à son avis, intéresser les juristes parce que l'on trouve le temps dans toutes les branches du droit et, au delà du droit, dans toutes les sciences.

A première vue, le temps semble être un sujet que tout un chacun connaît intuitivement et dont il a pourtant du mal à parler. Faut-il conclure que l'omniprésence du phénomène a obscurci notre vue? Ou que le phénomène s'avère plus complexe qu'on le soupçonnerait au premier abord?

Le développement des systèmes experts nous force à expliciter notre savoir implicite. En tentant de formaliser un domaine du droit qui fait souvent appel au temps, comme c'est le cas d'un domaine administratif comme celui de l'assurance-chômage pour lequel nous avons réalisé une première version de système expert appelé Chomexpert, on se trouve directement confronté à notre ignorance relative du phénomène. Dans cet article, nous faisons état des recherches visant à trouver une formalisation du temps utile à la construction de tels systèmes.

Dans la section suivante, nous nous interrogeons sur les différents rapports entre le droit et le temps. Nous verrons, à la troisième section, les représentations générales du temps conçues par les logiciens et les informaticiens. Les représentations proposées à l'heure actuelle entraînent des calculs d'une complexité dépassant la puissance des ordinateurs connus. Il devient dès lors impératif de chercher parmi les moyens conceptuels développés par les logiciens et les informaticiens un sous-ensemble qui regroupe les éléments effectivement nécessaires pour traiter la problématique juridique qui nous intéresse. Dans la quatrième section, nous explorons la variété des formes dans lesquelles le temps est employé dans la Loi canadienne sur l'assurance-chômage. Cet examen devrait nous donner une idée de la richesse qu'il convient d'atteindre dans la formalisation du temps dans le droit.

2. Les rapports entre le temps et le droit

Les rapports entre le droit et le temps peuvent être envisagés à trois niveaux. Le temps peut, tout d'abord, modifier les droits et obligations des sujets de droit (le temps dans le droit); puis, le droit se modifie dans le temps et le savoir du juriste doit être modifié en conséquence (la modification du droit dans le temps); enfin, les droits et obligations du sujet de droit, à la suite d'une modification du droit, peuvent être régis par l'ancienne règle, par la nouvelle règle ou par une combinaison des deux (le problème du droit transitoire).

Chacun des trois niveaux soulève des problèmes dans la conception des systèmes experts. Ces problèmes n'ont pas jusqu'ici trouvé de réponse faisant l'unanimité. La question du temps dans le droit est pourtant fondamentale pour tout système expert en droit. Celle de la modification du droit dans le temps touche directement à l'efficacité du système expert et à son intérêt pratique. Quant au troisième rapport entre le temps et le droit, il ne semble pas avoir fait l'objet d'études systématiques dans les recherches sur les systèmes experts en droit.

2.1. Le temps dans le droit

Au premier niveau, on trouve, à l'intérieur des règles de droit à un moment donné, les différentes façons dont le temps modifie les droits et obligations des individus. Un individu peut avoir droit à certaines prestations après avoir travaillé pendant une certaine période de temps. Il peut devenir admissible à un programme à telle date ou à tel âge. Ou encore, tel droit, telle action peut s'éteindre au bout de telle période.

2.2. La modification du droit dans le temps

Au deuxième niveau se situe le changement du droit dans le temps. L'adoption d'un nouvel article de loi ou de règlement, la modification d'un article existant ou un revirement de la jurisprudence ne sont pas de simples ajouts à un stock de connaissances existantes. Tout tel changement touche, à des degrés variables, le tissu des rapports multiples entre les règles existantes et oblige le juriste à opérer une restructuration, plus ou moins importante selon les cas, de ce tissu de rapports.

2.3. Le droit transitoire

Le troisième niveau de rapport entre le droit et le temps soulève des problèmes encore plus complexes[5]. Lorsque le droit est modifié, il faut déterminer dans quelle mesure les droits et obligations des individus continuent à être régis par le droit précédent plutôt que par le droit nouveau. Pour résoudre cette question, il faut connaître non seulement les états successifs du droit dans le temps ce qui constitue déjà un défi non négligeable mais encore les règles déterminant comment le nouveau droit et l'ancien coexistent et régissent les droits et obligations des individus. Or, cette dernière catégorie de règles ne constitue pas du tout un savoir limpide pour les juristes. La formalisation de ces règles dans les systèmes experts s'annonce difficile.

2.4. Conclusion

Dans ce qui suit, nous nous attacherons au premier rapport énoncé, celui du temps dans le droit. Cette question présente déjà, à elle seule, des difficultés considérables pour la confection d'un système expert.

3. Les recherches sur la formalisation du temps en intelligence artificielle

3.1. Logiques temporelles proposées en intelligence artificielle

Le but de l'intelligence artificielle étant la reproduction d'activités assimilées à l'intelligence chez l'humain, les chercheurs du domaine ont dû se pencher sur la façon de représenter l'aspect temporel de l'univers de l'être humain. Ce sont les chercheurs intéressés au traitement des langues naturelles et aux problèmes de planification, sans doute en raison du rôle primordial du temps dans leurs domaines, qui se sont attachés les premiers à la question du traitement du temps.

a. Le calcul des situations de McCarthy

Dès les années soixante, un des pionniers de l'intelligence artificielle, M. John McCarthy, intégrait un traitement du temps à ses propositions pour le développement de programmes intelligents. Dans son système, appelé Advice Taker[6], la situation est l'élément de base. Chaque situation correspond à une description du monde à un instant donné (a complete state of affairs at some instant of time). Pour modéliser les lois de la causalité, des actions permettent de passer d'une situation à une autre. Chaque action crée une nouvelle situation et fait changer le temps.

Ce calcul des situations présente certains problèmes, dont le principal est le frame problem. A la suite de chaque événement ou action, l'ensemble du <<monde>> doit être précisé, même les éléments inchangés par rapport à la situation précédente. Le système ne peut considérer qu'un seul événement ou une seule action à la fois. Il ne comporte pas de notion de durée pour les transformations entre les états du monde.

b. La logique temporelle de McDermott

Pour corriger plusieurs des lacunes des systèmes inspirés des idées de McCarthy, McDermott a formulé une logique temporelle du premier ordre. Son objectif fut de développer <<une logique temporelle robuste pouvant servir de cadre aux programmes devant compter avec le temps>>[7]. Le système de McDermott s'articule autour de deux idées clés: l'ouverture vers le futur et la continuité du temps. Son système admet la possibilité de plusieurs futurs à partir d'un instant donné et comporte une modélisation des changements continus.

Le système définit ce qui arrive ou peut arriver au moyen d'un ensemble partiellement ordonné d'états qui sont des images instantanées (snapshot) du monde. Chaque état a un temps d'occurrence qui est un nombre réel. Les états sont arrangés en chronique (chronicle). Une chronique est une histoire possible complète de l'univers. Les chroniques bifurquent vers le futur, c'est-à-dire que, à partir du temps présent, plusieurs futurs sont possibles.

Les états et les chroniques sont le support des faits et des événements. Les faits changent de valeur dans le temps et McDermott leur fait dénoter les états où ils sont vrais. Il donne l'exemple du fait ON(A, B), qui dénoterait les états où le bloc A est sur le bloc B. Assez curieusement, les événements sont assimilés aux intervalles pendant lesquels ils prennent place. A la différence de ses prédécesseurs, McDermott n'assimile pas les événements à des changements du monde. Un événement peut laisser le monde inchangé.

La logique temporelle de McDermott est en outre non monotone. Par exemple, les faits peuvent se voir affecter une durée de vie. Dans ce cas, ils demeurent vrais tant que leur durée de vie n'est pas épuisée ou qu'ils n'ont pas cessé d'être vrais.

La logique temporelle de McDermott n'a pas encore donné lieu à une implantation fonctionnelle. Le développement d'une telle implantation est tributaire, entre autres, des avances dans les recherches sur les logiques non monotones.

c. La logique temporelle d'Allen

Une des logiques temporelles ayant retenue le plus l'attention est celle de M. James F. Allen.[8] Allen a développé un moteur temporel spécialisé (time specialist) pour gérer les relations entre les aspects temporels des connaissances et sur cette base il a conçu une logique temporelle.

A la différence de McCarthy et de McDermott, Allen considère que les éléments de base du temps sont les intervalles. Ce choix se justifie, selon lui, du fait que le seul <<temps>> que nous connaissons est celui des événements (occurrence) et des propriétés. Il donne comme exemple l'événement <<trouver une lettre>>. Cet événement est en apparence instantané mais peut être décomposé lorsqu'on y regarde de plus près. Si on analyse en détail cet événement, on lui trouve un début et une fin[9]. Dans des travaux plus récent, Allen a augmenté son système pour y inclure une notion de <<points temporels>> et de moments[10]. Toutefois son système considère toujours l'intervalle ou la période comme l'élément de base.

Le rôle du moteur temporel d'Allen est la gestion des relations entre les intervalles. Il ne s'intéresse ni à leur position temporelle absolue, ni même à leur durée. Allen identifie treize relations possibles entre intervalles. Sept relations de base dont six sont munies d'inverse (entre parenthèses):

    x equal o                      xxxx
                                   oooo
                                   
    x before o (after)           xxx oooo
    
    x starts o (started-by)      xxx
                                 oooooo
                                 
    x finishes o (finished-by)      xxx
                                 oooooo
                                 
    x overlaps o (overlapped-by) xxxxxx
                                   oooooo
                                   
    x meets o (met-by)           xxx
                                    oooo
                                    
    x during o (contains)          xxx
                                 ooooooo

Le système de Allen gère et <<propage>> ces relations. Ainsi, si a, b et c sont des intervalles et si le système sait que a meets b et que b est before c, le moteur temporel d'Allen conclura que a est before c.

L'ontologie utilisée dans la logique d'Allen est constituée de propriétés, d'évènements et de processus se distinguant par leur rapport avec le temps. Les propriétés valent (hold) pour la durée d'un intervalle et pour tout sous-intervalle inclus dans cet intervalle. Elles sont donc homogènes. Les événements surviennent (occur) pendant un intervalle de telle façon qu'il n'y a pas de sous-intervalles où ils surviennent, c'est à dire que les événements occupent totalement leur intervalle. Le processus est un élément plutôt bizarre dans l'ontologie d'Allen. Si un processus survient (occurs) sur un intervalle, il doit survenir pendant un nombre <<substantiel>> de sous-intervalles. Allen donne l'exemple suivant: dire que j'ai marché durant t implique bien entendu que j'ai marché durant la première et la dernière partie de t. Je peux cependant m'arrêter pendant un bref moment au cours de t, sans qu'il cesse d'être juste d'affirmer que j'ai marché durant t[11].

Malgré certaines confusions logiques relevées récemment par Shoham[12], les travaux d'Allen sur le temps ont donné lieu à toute une série de recherches en intelligence artificielle. Parmi ceux qui ont poursuivi ou se sont inspirés des travaux d'Allen, il convient de mentionner Ladkin[13], Vilain et Kautz[14], Sadri[15] ainsi que Kowalski et Sergot.

d. L'Event Calculus de Kowalski et Sergot

Le calcul des événements proposé par Kowalski et Sergot veut permettre le raisonnement à propos des événements et du temps dans le contexte de la programmation logique[16]. Les applications cibles de cette logique temporelle sont la gestion des bases de données et le traitement des langues naturelles. Un des auteurs a tenté d'appliquer ce modèle au domaine juridique[17] .

Les événements <<calculés>> dans cette logique sont les événements marquant le début ou la fin de périodes où une relation vaut (hold). Lorsqu'une relation vaut pour une période, la logique du calcul des événements présuppose qu'elle vaut pour les instants (time points) à l'intérieur de cette période. Les relations sont donc considérées comme temporellement homogènes.

Un des avantages du système mis de l'avant par Kowalski et Sergot est que les ajouts à la base de connaissances sont additifs. Il n'est pas nécessaire d'effacer explicitement des informations. L'effet d'effacement provient de la précision accrue qu'apporte la nouvelle donnée sur la fin ou le début d'une période. Par exemple, l'embauche de Paul au Labo pourrait être représentée comme suit: embauche(Paul, Labo, E1), temps(E1, 1/1/89). A la question de savoir si Paul travaillait au Labo le 10/1/89, le système répond par l'affirmative lorsque aucun événement mettant fin à cet emploi n'est connu. Toutefois, si plus tard on ajoute à la base: congedie(Paul, Labo, E2), temps(E2, 15/1/89), la même requête suscite une réponse négative, sans que l'on n'ait eu à effacer explicitement une information de la base.

Dans ce système le passé et le futur sont traités de façon symétrique. Les informations sur les événements peuvent donc être fournies dans n'importe quel ordre. De plus, il n'est pas nécessaire qu'un temps absolu soit attribué à chaque événement. C'est surtout l'ordre relatif des événements qui est important. Comme les événements sont distincts des instants où ils surviennent, plusieurs événements peuvent être simultanés. Les événements peuvent n'être que partiellement ordonnés. Il n'est pas nécessaire que soit connues les relations d'un événement aux autres.

Le calcul des événements évite le frame problem, car, dans cette logique, ce sont les relations qui sont associées aux périodes où elles <<valent>> et non la situation globale du monde considéré. Ainsi une modification à la portée temporelle d'une relation n'entraîne pas de changement au reste de la base.

A cause de l'accent mis sur la notion de période, les travaux de Sergot et Kowalski sur le calcul des événements sont voisins de ceux d'Allen sur le calcul des intervalles. Fariba Sadri a montré que ces approches peuvent être modifiées pour inclure les caractéristiques qui les distinguent[18].

e. La logique de la Chronological Ignorance de Shoham

Shoham a proposé une logique temporelle appelée Chronological Ignorance, une logique modale non monotone. Pour Shoham, une théorie temporelle doit fournir les éléments suivants. D'abord, un langage pour décrire ce qui est vrai et ce qui est faux, ce qui change et ce qui demeure constant dans le temps. Elle doit fournir, en deuxième lieu, une façon de définir et de raisonner à l'aide de règles exprimant les changements permis (lawful changes) dans un tel langage. La proposition de Shoham est une spécification syntaxique et sémantique précise d'une logique temporelle apte à traiter les problèmes de prédiction en intelligence artificielle.

Shoham s'intéresse à deux problèmes essentiels à la prédiction nécessaire en planification, à savoir la qualification (qualification problem ou frame problem) et la prédiction étendue (extended-prediction problem). Le problème de la qualification est que, dans une machine à ressources limitées, il faut faire un compromis entre, d'une part, la quantité d'information nécessaire pour faire des inférences du type P1(t1) => P2(t2) avec t1 <= t2 et, d'autre part, la fiabilité de ces inférences. Il s'agit donc de déterminer comment faire de solides prédictions dans le futur sans considérer l'ensemble du passé.

L'autre problème, la prédiction étendue, concerne le compromis entre, d'une part, l'option de prédire l'avenir immédiat, ce qui entraîne un nombre immense de telles prédictions dès lors qu'il s'agit de prédire l'avenir un peu plus lointain et, d'autre part, celle de prédire directement des futurs plus lointains mais au prix de prédictions incertaines (defeasible).

La réalisation d'un mécanisme de preuve automatique dans un système comme celui que décrit Shoham n'est pas une mince tâche. Jusqu'à maintenant, les travaux de Shoham ont davantage contribué à placer le raisonnement temporel sur des bases théoriques solides qu'à l'implanter.

f. Appréciation

Les idées de McCarthy, d'Allen et de Kowalski ont conduit à des systèmes pratiques. Les logiques proposées par McDermott et plus récemment par Shoham en sont encore loin.

En évaluant ces formalismes, il faut tenir compte de la nature du système dans lequel on veut s'en servir. Le traitement du droit auquel nous nous intéressons ne donne pas lieu aux activités de prédiction qui ont conduit McDermott et Shoham à des systèmes non monotones. Il s'agit plutôt d'analyser et de tirer des conclusions d'une situation passée partiellement connue mais unique. Le traitement du droit que nous envisageons n'impose donc pas les mêmes exigences que les travaux de planification visés dans les recherches de McDermott et Shoham[19].

Les travaux d'Allen ainsi que ceux de Kowalski et Sergot nous semblent plus près des exigences de notre domaine. Ceux d'Allen ont donné lieu à des systèmes opérationnels. Nous pensons pouvoir partir de ces travaux et adapter les résultats en fonction des particularités de la formalisation du droit.

3.2. Le temps dans les systèmes experts réalisés en droit

Les prototypes de systèmes experts juridiques réalisés jusqu'à maintenant réflètent des choix à l'égard du traitement du temps. On retrouve, dans plusieurs d'entre eux, des idées issues des paradigmes décrits ci-dessus. Les choix à l'égard du traitement du temps dans ces systèmes est en partie fonction du domaine juridique traité et de la tâche assignée. Dans les systèmes orientés vers la classification, le traitement du temps semble moins contraignant. A l'opposé, les systèmes que l'on a voulu munir d'une représentation conceptuelle profonde du droit exigent une modélisation du temps beaucoup plus soignée.

Parmi les comptes-rendus des systèmes experts réalisés en droit, plusieurs comportent des réflexions au sujet de la dimension temporelle. M. Thorne McCarty notamment consacre plusieurs passages à la question dans ses articles sur le projet TAXMAN[20]. Mme Gardner, dans le livre tiré de sa thèse de doctorat, décrit de manière précise les solutions adoptées dans la formalisation d'une partie du droit américain des contrats[21]. La proposition de M. DeBessonet d'un langage formel adapté à la description des notions juridiques englobe un traitement du temps[22]. M. Bench-Capon traite de la représentation du temps dans la décription des travaux de l'équipe de l'Imperial College à Londres pour formaliser la Supplementary Benefit Legislation[23]. Plus récemment, Nitta a utilisé une logique temporelle pour le développement d'un système expert sur la loi japonaise de brevets[24].

Notre équipe a été amenée à s'intéresser à la question du temps lors de la réalisation de Chomexpert, un système expert sur le droit canadien de l'assurance-chômage. L'assurance-chômage est en effet un domaine où le temps est omniprésent[25]. La première version de Chomexpert visait à formaliser la détermination de l'admissibilité d'un assuré à une période de prestations d'assurance-chômage. Au cours de l'analyse, ce système devait tenir compte d'une multitude d'événements, telles la fin d'un emploi, la demande de prestations, et de périodes, comme les périodes de travail, de chômage, de maladie et de prestations.

La première version de Chomexpert, utilisait des clauses de Horn et des modules procéduraux pour représenter les connaissances. Les informations temporelles contenues dans la base des connaissances ne donnaient pas directement lieu à des inférences. Elles étaient plutôt utilisées pour calculer l'applicabilité des prédicats ou pour des calculs conduisant à l'ajout ou au retrait de faits dans la base de connaissances du système. Chomexpert utilisait, pour les données temporelles, la notation d'Allen en vue d'une éventuelle utilisation de son moteur temporel. Mais le moteur d'Allen n'a pas été implanté.

Le traitement indirect du temps, dans un domaine où la dimension temporelle est très importante, réduit l'intérêt de Chomexpert. En effet, les règles juridiques utilisées par le système sont parsemées d'appels à des mécanismes procéduraux pour traiter les informations relatives au temps. Les règles juridiques qu'utilise le système sont obscurcies par la mécanique du traitement des aspects temporels. Il en résulte que le système n'est pas facile à modifier et ses règles sont peu lisibles. Il convient donc de revoir l'approche adoptée dans la réalisation de la première version de Chomexpert afin d'y intégrer un traitement direct du temps.

Pour introduire expressément la dimension temporelle dans un système expert sur l'assurance-chômage, il nous a paru intéressant d'étudier si les rapports temporels envisagés par Allen se trouvent effectivement employés dans la loi canadienne sur l'assurance-chômage. Cet examen a démontré qu'il faut répondre à cette question par l'affirmative. Il nous a également permis de mettre à jour des cas d'<<emploi du temps>> que nous n'avons pas pu caser immédiatement dans le schéma proposé par Allen. Cette constatation nous mène à préconiser une formalisation qui prend comme point de départ la formalisation proposée par Allen, mais qui est enrichie afin de tenir compte de la richesse dimension temporelle du droit.

En vue de la révision de Chomexpert, il paraît opportun d'examiner de façon plus détaillée comment le temps est employé dans le droit sur l'assurance-chômage.

4. L'emploi du temps dans la loi canadienne sur l'assurance-chômage

Tous les domaines du droit ne font pas intervenir le temps au même degré. Bench-Capon et ses collaborateurs font remarquer que le temps joue un rôle mineur dans la formalisation de la British Nationality Act, mais qu'il en va bien autrement de la législation concernant les prestations sociales (Supplementary Benefits legislation)[26] . Nous allons voir que l'examen de la Loi canadienne sur l'assurance-chômage [27] mène à la même conclusion. Le temps est important pour déterminer aussi bien l'admissibilité aux prestations du programme que leur durée.

4.1 Résumé des règles d'admissibilité à l'assurance-chômage.

Dans l'examen qui suit, les exemples ont tous trait à la question de l'admissibilité aux prestations. En simplifiant considérablement, on peut dire que la loi déclare admissible au service des prestations la personne qui, au cours d'une période qui est généralement de 52 semaines[28] précédant la demande appelée période de référence , a occupé un emploi rémunérateur pendant un certain nombre de semaines variant entre 10 et 20, selon la catégorie d'assuré (art. 17 et 18). Une fois déclarée admissible, la personne se voit établir une période de prestations (art. 19). La durée de cette période est généralement de 52 semaines (art. 20(2))[29]. Le nombre de semaines pendant lesquelles le prestataire peut effectivement se faire payer des prestations dites initiales est limité au nombre de semaines travaillées pendant la période de référence, avec un maximum de 25 (art. 22); par la suite, le prestataire peut toucher des prestations dites complémentaires dont la durée est fonction, entre autres, du taux régional de chômage.

Dans tous les cas, la période de prestations commence par deux semaines dites de carence (art. 23), au cours desquelles le prestataire ne reçoit pas de prestations. Il en reçoit par la suite pour chaque semaine où il est en chômage, jusqu'à la fin de la période de prestations ou de l'épuisement de sa <<banque de semaines payables>>. Les prestations sont établies à 60 % du salaire moyen au cours des 20 dernières semaines travaillées ou de l'ensemble de celles-ci, s'il y en a moins de 20 (art. 24).

Ce résumé simplifié montre déjà la richesse des questions de temps survenant dans l'administration de la Loi sur l'assurance-chômage. Il convient d'examiner plus en détail les faits temporels et leurs combinaisons. Aux fins d'examiner les modes d'emploi du temps dans la loi, il paraît utile de distinguer les <<faits temporels simples>> et les combinaisons de ceux-ci. Parmi les faits temporels simples, il convient de distinguer les événements ponctuels et les périodes qui durent. Parfois la loi fait appel à un tel fait de manière isolée; plus souvent, elle fait commencer une période à l'expiration d'une autre, ou par la survenance d'un fait ponctuel. On fait alors face à une combinaison de faits temporels.

4.2. Les faits temporels simples

a. Les faits momentanés

Les faits ponctuels peuvent prendre la forme suivante.
L'article 20, par. 6, prévoit:

<<Une période de prestations prend fin à la première des dates suivantes (...):
a. la date à laquelle le prestataire
b. demande de mettre fin à une période de prestations établie à son profit,
c. formule une nouvelle demande initiale de prestations, et
d. remplit les conditions qui lui donnent droit aux prestations prévues par la présente loi.>>

On constate qu'il s'agit d'un <<point dans le temps>> où sont réunies trois conditions logiques.

b. Les intervalles

On en trouve de nombreuses: par exemple, la période de référence et la période de prestations sont de 52 semaines; la période de carence est de deux semaines.

Parfois la durée de l'intervalle est indéterminée: la période de prestations ne doit pas dépasser cent quatre semaines (malgré les diverses prolongations possibles).

4.2. Les combinaisons de faits temporels

Pour les fins de la discussion, il paraît utile de revenir au schéma proposé par Allen. Entre deux intervalles peuvent s'établir treize rapports: égalité, rencontres, avant, débute, termine, durant ou chevauchements (et les inverses des six derniers).

Entre faits momentanés, les rapports se simplifient encore davantage. Il y a le rapport avant/après et la simultaneité.

En examinant la loi, on découvre que tous ces rapports envisagés se présentent effectivement. A l'Annexe A, un tableau illustre des occurrences de chacun de ces rapports.

Cet examen met à jour quelques cas qui ne semblent pas se prêter facilement à la classification dans la grille retenue. Il y d'abord plusieurs cas où la loi présuppose l'addition de la durée de plusieurs périodes qui ne sont pas nécessairement contigües.[30]: un assuré qui a exercé un emploi rémunéré pendant au moins 20 semaines, ou entre 14 et vingt semaines. Le sens de ces dispositions est immédiatement claire à l'intuition du juriste mais la formalisation semble demander plus que ne fournit le schéma énoncé.

A d'autres endroits, la loi prévoit un maximum. Les périodes de référence et de prestations, par exemple, peuvent toutes les deux être prolongées dans des circonstances précises, mais toujours jusqu'à un maximum de 104 semaines[31]. L'intervalle est ouvert et une condition logique satisfaite peut y mettre fin. De façon analogue, la loi exige parfois un minimum. La loi fait parfois allusion à une période de durée variable: si l'assuré reçoit rémunération pendant une partie de la période de carence, une somme correspondante peut être déduite aux prestations à venir[32].

Dans certains cas, la loi introduit des fictions. Un intervalle est censé n'avoir jamais existé à la suite d'un événement survenant ultérieurement.[33] Un début de période est antédaté rétroactivement.[34]

5. Conclusion

La question du temps dans le droit semble avoir été passablement négligée par les juristes. Si la compréhension intuitive du phénomène peut les dispenser de discourir sur le sujet, cela ne vaut plus lorsqu'il s'agit de formaliser la connaissance juridique dans un système expert. En développant un système expert, Chomexpert, sur le droit canadien de l'assurance-chômage, domaine où le temps joue un rôle de première importance, nous avons été amenés à nous interroger sur la façon de formaliser le temps dans le droit.

Chez les juristes qui se sont intéressés aux systèmes experts, on observe un certain intérêt pour la question du temps, mais non des propositions précises pouvant servir directement à à l'implantation. Les recherches sur le temps faites dans le domaines de l'intelligence artificielle en général ont abouti à des propositions théoriques et à quelques systèmes implantés sur informatique. Après un examen de ces recherches, il nous a semblé que la piste tracée par J.F. Allen est actuellement la plus prometteuse, malgré des réserves théoriques qu'on a fait valoir contre elle.

6. Bibliographie

Allen 1981
Allen, J. F. An Interval-Based Representation of Temporal Knowledge, Proceedings of the 7th International Joint Conference on Artificial Intelligence, 1981, pp.221-226
Allen 1983
Allen, J. F. Maintaining Knowledge about Temporal Intervals, (1983) 26 Communication of the ACM pp.510-521
Allen 1984
Allen, J. F. Towards a General Theory of Action and Time, (1984) 23 Artificial Intelligence p.123-154
Allen 1985
Allen, J.F. et Hayes, P.J., A Common-Sense Theory of Time, Proceedings of the 9th International Joint Conference on Artificial Intelligence, 1985 , pp. 528-531
Allen 1987
Allen, J.F. et Hayes, P.J., Short Time Periods, Proceedings of the 10th International Joint Conference on Artificial Intelligence, 1987, pp. 981-983
Allen/Koomen 1983
Allen, J.F. et Koomen, J.A., Planning Using a Temporal World Model, Proceedings of AAAI-1983, pp. 741-747
Atias 1985
Atias, Christian, Epistémologie juridique, P.U.F., 1985
Bauer-Bernet 1986
Bauer-Bernet, Hélène, Temporal Aspects on the Formalization and Computerization of Law, dans: Logic, Informatics, Law , sous la direction de A.A. Martino et F. Socci Natali, Elsevier Science (North-Holland), 1986, pp. 451-471
Bench-Capon 1987
Bench-Capon, T.J.M., G.O. Robinson, T.W. Routen et M.J. Sergot, Logic Programming for Large Scale Applications in Law: A Formalisation of Supplementary Benefit Legislation, dans: The First International Conference on Artifical Intelligence and Law, ACM Press, 1987, pp. 190-198
Bergel 1985
Bergel, Jean-Louis, Théorie générale du droit , Dalloz, 1985,
Bordeaux 1979
Bordeaux, M., La grille du temps - approche lexicale du temps des lois (Code civil 1804), Langages mars1979, no 53, pp. 103-116
Bulygin 1982
Bulygin, Eugenio, Time and Validity, dans: Deontic Logic, Computational Linguistics and Legal Information Systems, Vol. II, sous la direction de A.A. Martino, North Holland, 1982, pp. 65-81
Côté 1988
Côté, Pierre-André, La position temporelle des faits juridiques et l'application de la loi dans le temps, (1988) 22 Revue juridique Thémis 207-240
DeBessonet 1986
DeBessonet, C. G. et Cross G.R. An Artificial Intelligence Application in the Law: CCLIPS, a Computer Program That Processes Legal Information, (1986) 1 High Technology Law Journal pp. 329-409
Galton 1987
Galton, A., Temporal Logic and Their Applications, Academic Press, 1987.
Gardies1975
Gardies, Jean-Louis, La logique du temps , P.U.F.1975
Gardner 1987
Gardner, A. v.d.L., An Artificial Intelligence Approach to Legal Reasoning, MIT Press, Cambridge, 1987
Héron 1985
Héron, Jacques, Etude structurale de l'application de la loi dans le temps (à partir du droit civil), (1985) 84 R. trim. dr. civ. 277-333
Kowalski 1986
Kowalski, R. A. et Sergot, M. J., A Logic-Based Calculus of Events, dans: (1986) 4 New Generation Computing (Ohmsha Ltd and Springer Verlag) pp. 67-95
Ladkin 1986a
Ladkin, Peter, Time Primitives and Units for Time Specification, Proceedings of AAAI-86, pp.354-359
Ladkin 1986b
Ladkin, Peter, Time Representation: A Taxonomy of Interval Relations, Proceedings of AAAI-86, pp.360-366
Ladkin 1987
Ladkin, Peter, Models of Axioms for Time Intervals, Proceedings of AAAI-87, pp.234-239
Ladkin 1988
Ladkin, Peter, Satisfying First-Order Constraint About Time Intervals, Proceedings of AAAI-88, pp.234-239
McCarthy 1968
McCarthy, John, Programs with Common Sense, republié dans: Readings in Knowledge Representation, sous la direction de Ronald J. Brachman et Hector J. Levesque, Morgan Kaufmann Publishers Inc, 1985, pp. 299-308
McCarty 1977
McCarty, L. Thorne, Reflections on Taxman: An Experiment in Artificial Intelligence and Legal Reasoning, (1977) 90 Harvard L. Rev. 837-893, à la p. 884.
McCarty 1983
McCarty, L. Thorne, Intelligent Legal Information System: Problems ans Prospects, (1983) 9 Rutgers Computer and Technology Law Journal p. 265-294
McCarty 1986
McCarty, L. Thorne, Permissions and Obligations - an Informal Introduction, Technical Report LRP-TR-19, Laboratory for Computer Science Research, Rutgers University, 1986.
McDermott 1982
McDermott, D. A, Temporal Logic for Reasoning About Processes and Plans, (1982) 6 Cognitive Science 101-155
Nitta 1987
Nitta, K., KRIP: A Consultation System for the Patent Law, AI-87 Japan
Nitta 1987
Nitta, K., Nagao, J. et Tetsuya M., A Knowledge Representation and Inference System for Procedural Law, (1988) 5 New Generation Computing 319-359
Poulin 1988
Poulin, Daniel, Etude des particularités du droit du point de vue de la conception d'un système expert et réalisation de Chomexpert, Mémoire de maîtrise, Département d'Informatique et de recherche opérationnelle, Université de Montréal, 1988
Prior 1955
Prior, A.N., Diodoran modalities, (1955) 5 Philosophical Quarterly 205-213
Rescher/Urquhart 1971
Rescher, N. et A. Urquhart, Temporal Logic, Springer Verlag, 1971
Sadri 1987
Sabri, Fariba, Three Recents Approaches to Temporal Reasoning, dans: Temporal Logics and their Applications, sous la direction de Antony Galton, Academic Press, London, 1987, pp.121-168
Shoham 1988
Shoham, Yoram, Reasoning About Change: Time and Causation from the Standpoint of Artificial Intelligence , MIT Press, Cambridge, 1988
van Benthem 1983
van Benthem, J.F.A.K., The Logic of Time, D. Reidel, 1983
Vilain/Kautz 1986
Vilain, M. et Kautz, H., Constraint Propagation Algorithms for Temporal Reasoning, AAAI 1986, p. 377-382

Annexe A. Occurrences des rapports temporels dans la loi canadienne sur l'assurance-chômage

1. Intervalles-intervalles

Rapport Articles de la loi

- égalité 22(2), 34(1)

- rencontre 18(2), 18(3), 20(7) (cas de prolongation)

- avant/après 20(3), 23, 34(2), 43

- débute 18(1) b), 23

- termine 20(6) a)

- durant 20(7), 24(2)

- chevauchement 24(2) (négativement: refus de chevauchement)

2. Intervalles-faits momentanés

Rapport Article de la loi

- rencontre voir débute et termine

- avant/après 20(4)

- débute 19, 20(1), 44(1)

- termine 31(4), 44(1)

- durant 25, 26(1)

3. Faits momentanés-faits momentanés

Rapport Article de la loi

- avant/après 20(4)

- simultanéité 20(6)d) (conditions (i) et (ii)


[1] Bergel 1985, pp. 115-138. Retour.

[2] Gardies 1975, p. 9. Retour.

[3] Prior 1955. Des survols historiques se trouvent dans Rescher/Urquhart 1971, van Benthem 1983, Galton 1987. Retour.

[4] Atias 1985 p. 174. Retour.

[5] Nous renvoyons volontiers le lecteur aux excellents articles de théorie du droit de Héron 1985 et de Côté 1988. Retour.

[6] McCarthy 1968 Retour.

[7] McDermott 1982, p.103. Retour.

[8] Allen 1981, 1983, 1984 et 1985. Retour.

[9] Allen 1981, p. 222. Retour.

[10] Allen 1985, 1987. Retour.

[11] Allen 1984, p. 135. Retour.

[12] Shoham 1988. Retour.

[13] Ladkin 1987. Retour.

[14] Vilain/Kautz 1986. Retour.

[15] Sadri 1987. Retour.

[16] Kowalski 1986. Retour.

[17] Bench-Capon 1987. Retour.

[18] Fadri 1987 Retour.

[19] D'une autre façon, nous pourrions interpréter le raisonnement temporel, même concernant le passé, comme un travail de prédiction partant du temps où se situe les événements analysés. Un tel système pourrait explorer les évolutions possibles à partir de la situation étudiée. La non-monotonie serait alors nécessaire. Retour.

[20] Voir McCarty 1977, p. 340-342 pour ce qui concerne TAXMAN et McCarty 1983 et 1986 pour des propositions plus récentes. Retour.

[21] Voir Gardner 1987, notamment les pages 92-93 Retour.

[22] Voir Debessonet 1986, p. 377-382 Retour.

[23] Voir Bench-Capon et als 1987, p. 195 Retour.

[24] Voir Nitta 1987 et 1988, p. 332-334 Retour.

[25] voir Poulin 1988 Retour.

[26] Bench-Capon 1987 p. 195. Retour.

[27] Lois révisées du Canada 1985, chap. U-1 Retour.

[28] Elle peut varier de 0 à 104 semaines. Retour.

[29] Elle peut, elle aussi, varier de 0 à 104 semaines. Retour.

[30] Par exemple art. 16(1)d, 16(1)e, 17(8). Retour.

[31] art. 18(5) et 20(9). Retour.

[32] art. 26(1). Retour.

[33] art. 20(5). Retour.

[34] art. 20(4). Retour.